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Qu’en est-il vraiment des délais de prescription en matière d’assurance ?

A LIRE – Mon assurance me dit que le délai pour une indemnisation est dépassé (prescription) – qu’en est-il vraiment des délais de prescription en matière d’assurance ?



Le cas pratique:

En novembre 2017, suite à un violent orage, la copropriété dans laquelle Madame D. possède un appartement est victime d’un sinistre : une infiltration d’eau a lieu au niveau du dernier étage endommageant les peintures de la cage d’escalier, peintures qui venaient d’être refaites quelques mois auparavant.

Une déclaration avait été faite à l’assureur historique de la copropriété par le syndic fin 2017, un expert de la Compagnie est passé. Puis silence. Depuis, la copropriété a changé de syndic de copropriété et quand le nouveau syndic sous l’égide de Madame D, nouvellement élue présidente du Conseil syndical, a relancé l’assurance sur ce sinistre, il lui a été répondu que « l’action était prescrite (parce que le délai de deux ans était dépassé). Par conséquent il ne pouvait pas y avoir lieu à indemnisation pour ledit sinistre ».

Le conseil syndical décide alors de consulter son conseil habituel, le Cabinet Tramier, pour connaître la législation et ses droits à ce sujet.


Quels sont exactement les règles en matière d’assurance ? Quels sont les délais à respecter pour qu’un sinistre soit pris en charge et indemnisé ?

Selon l’article 2219 du Code civil, la prescription est définie « comme un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ».

Depuis la réforme de 2008, le délai de la prescription de droit commun est désormais de 5 ans. Il existe toutefois de nombreuses exceptions et notamment dans le domaine de l’assurance.

En cette matière, l’article L114-1 du Code des Assurances dispose que « toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par un délai de deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ». En contrepartie de ce délai plus bref, la loi a prévu des modalités simples d’interruption de la prescription.

Le mécanisme est donc simple : si plus de deux années se sont écoulées depuis le jour où le demandeur était en mesure de faire valoir son droit alors l’assureur peut arguer -en théorie- de la prescription biennale.

Mais le diable se niche dans les détails, car pour se prévaloir de ce délai particulier encore faut-il au préalable que la police d’assurance ait rappelé les règles relatives à la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance (Article R112-1 du Code des assurances).


Or, en la matière la jurisprudence de la Cour de Cassation est de plus en plus stricte pour les compagnies d’assurances.

Depuis 2005, la Cour de cassation considère que l’inobservation de ce formalisme est sanctionnée par l’inopposabilité à l’assuré du délai de la prescription biennale (2e Civ., 2 juin 2005, pourvoi no 03-11.871, Bull. 2005, II, no 141).

En 2011, la Cour de Cassation a accentué le formalisme en imposant aux compagnies d’indiquer non seulement le délai de prescription mais également les différents points de départ de la prescription (2e Civ., 28 avril 2011, pourvoi no 10-16.403, Bull. 2011, II, no 92). Dans un autre arrêt, elle impose même la mention des causes d’interruption de la prescription prévues par l’article L114-2 du Code des Assurances (3e Civ., 16 novembre 2011, pourvoi no 10-25.246, Bull. 2011, III, no 195). Enfin, en 2013 la Cour de Cassation affirme que la police, pour respecter le formalisme de l’article R112-1 du Code des assurances doit rappeler les causes d’interruption prévues à l’article L114-2 du Code des Assurances mais également les causes ordinaires d’interruption de la prescription (2ème Civ., 18 avril 2013, pourvoi no 12-19.519, Bull. 2013, II, no 83).

Bref, vous l’aurez compris, il y a peu de chance pour qu’une police d’assurance antérieure à avril 2013 soit conforme aux règles édictées par la jurisprudence !

A partir de là, le feuilleton judiciaire de la prescription en droit des assurances s'est déplacé sur un autre terrain.


Si la prescription biennale est inopposable, quel est alors le délai applicable en matière de prescription ?


La Cour de Cassation a quelque peu éclairci cette question en 2019 (3ème Ch Civ. 21 mars 2019 n°17-28.021), « l’assureur qui, n’ayant pas respecté les dispositions de l’article R. 112-1 du code des assurances, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ne peut pas prétendre à l’application de la prescription de droit commun ».

Pour la Cour de Cassation, si l’assureur n’a pas respecté le formalisme de l’article R112-1 du Code des Assurances, le délai de la prescription ne sera ni de 2 ans ni de 5 ans (délai de droit commun).

Est-ce à dire qu’il n’y a plus de délai ? Il est certain que les délais de 10 ans et de 30 ans contenus dans le Code Civil sont des délais spéciaux clairement définis par la loi et ne peuvent s’appliquer. Les assureurs tentent de s’opposer fermement à l’idée d’un engagement perpétuel à titre de sanction. Nous attendons donc avec impatience le prochain arrêt de la Cour de Cassation sur cette question.


Mais, une seule chose est certaine, il est toujours préférablement de ne pas tarder à agir !

Si l’on en revient à notre copropriété, il y a fort à parier que les demandes du syndicat des copropriétaires à la suite du sinistre de 2017, ne soient pas prescrites.

Les polices d’assurances antérieures à 2013 et non conformes à l’article R112-1 du Code des assurances sont nombreuses, et le syndic a tout intérêt à réactiver sa demande de manière argumentée.

Alors, que retenir de ce feuilleton judiciaire ?

En droit des assurances, la prescription est loin d’être une question évidente et face à la complexité de la matière, un seul réflexe ! Consulter votre avocat en droit des assurances.

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